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octobre 2016

Concours Police : Témoignage de Christian F

christian«Je suis parti cinq ans comme garde de sécurité d'ambassade, deux ans au Liban, trois ans au Chili. Les épreuves de sélection sont très difficiles : tests psychotechniques et tests physiques très poussés. C'est très bien payé, mais on n'a pas de repos.»

D'où est venu votre goût pour la police ?

Mon père était brigadier de policier. Une fois mon bac en poche, j'ai démarré un BTS secrétariat trilingue que j'ai abandonné, puis j'ai fait des petits boulots comme jardinier, postier, avant de passer trois concours : les douanes, les pompiers et la police.
Ce qui m'a séduit dans la police, c'est qu'avec seulement le grade de gardien de la paix, on peut faire 100 métiers différents : la BAC, la PAF, la police du métro, la CRS, les motards, la brigade des mineurs, etc.

Quand avez-vous passé le concours de gardien de la paix ?

J'ai passé le concours police nationale dans la région toulousaine en 1985. A l'époque, il y avait une épreuve d'algèbre, une dissertation ou un commentaire de texte. Pour un bachelier, ce n'était pas très dur et en plus on ne se bousculait pas pour rentrer dans la police. J'ai eu un entretien avec un jury, du sport (lancer de poids, 60 mètres et grimpé de corde). Une opération du ménisque et des ligaments croisés à cause du rugby m'a fermé les portes de l'armée. J'ai dû passer des examens d'aptitude pour voir si cela était compatible avec la fonction.

Où avez-vous fait votre formation ?

J'ai été affecté au centre de formation de Carcassonne pendant huit mois. Nous étions logés là-bas, au sein de la CRS. Nous étions une trentaine, mais pas une seule femme. Nous avons fait du sport, du droit (code pénal, code de la route), du secourisme, des techniques d'intervention professionnelle…
Je pense qu'à l'époque, nous avions peu de formation concrète, notamment pour nous préparer à rencontrer la souffrance et la violence. Aujourd'hui, la confrontation à la mort, à la violence, à la pauvreté, à l'exclusion est davantage abordée dans les formations. J'ai donc fait un master en 2007 sur la prise en compte des victimes pour compléter.

Où êtes-vous allé à la sortie de l'école ?

A la fin des huit mois, nous pouvions choisir notre poste en fonction de notre classement. Je n'avais jamais quitté ma campagne toulousaine. Nous sommes tous partis en région parisienne. On n'a pas eu le choix.
J'ai choisi Paris plutôt que la couronne à cause de la multiplicité des services et des métiers. A l'époque, on pouvait changer de service tous les six mois.
J'ai d'abord fait un stage de deux mois « à disposition », à faire un peu de tout : garder des portes dans le 16ème arrondissement (on apprend la solitude, le froid et la faim !), police-secours dans le 12ème (de la Bastille au bois de Vincennes). C'était très varié, des choses les plus simples aux plus terribles, de verbaliser un stationnement gênant à ramasser un cadavre ou sortir un fou de chez lui.
J'ai vraiment commencé à Paris dans le 3ème, dans un service général, avec une gestion en brigade et une hiérarchie complète, un bon encadrement.

Comment avez-vous évolué ?

Au début, on nous donne des missions annexes pour nous jauger. Plus on prend du galon, plus le chef de brigade nous accorde sa confiance pour des missions. En 1989, il y avait besoin de renfort dans le métro et le RER, au sein d'un commissariat dédié aux réseaux ferrés. Je me suis porté volontaire.
Le métro est un milieu très différent auquel on n'est pas sensibilisé, à cause des mouvements de foule. C'est là que j'ai appris la lutte contre la délinquance. C'est presque de la chasse : trouver les endroits intéressants pour faire du flagrant délit de drogue, de mœurs, de violences, de recel de vol ou de documents falsifiés. On est coopté, comme dans la BAC, et travaille en binôme. Tous les jours, on tourne avec un collègue différent, souvent expérimenté.

Quand avez-vous pris des responsabilités ?

Au bout d'un an, j'ai commencé à faire des formations. J'ai préparé un BCT (brevet de capacité technique) pour devenir brigadier. Aujourd'hui, on devient brigadier-chef comme ça. A l'époque il y avait 4 UV (droit, administratif, technique – tir et self-défense -, maintien de l'ordre). Une personne expérimentée venait nous former dans le commissariat avec des fiches thématiques sur l'armement, le code de la route, le maintien de l'ordre, le code pénal.
C'est un vrai sacerdoce car on doit étudier avant et après le boulot ! Mais on acquiert des responsabilités de commandement, tout en restant parmi les gardiens de la paix. On met en place des missions, on participe à la gestion de la brigade et on est mieux rémunéré.
Si on est intéressé par une formation, il suffit de s'inscrire (aujourd'hui c'est sur l'intranet). A la même période, je suis allé à un séminaire sur les banlieues et les bandes au CNEF (centre national d'études et de formation). J'étais un des seuls gardiens de la paix ! Je me suis aussi formé en langues. J'ai fait un stage d'anglais avec des personnes de grades supérieurs.

Ensuite, vous voyagez à l'étranger…

Je suis parti cinq ans comme garde de sécurité d'ambassade, deux ans au Liban, trois ans au Chili. Les épreuves de sélection sont très difficiles : tests psychotechniques et tests physiques très poussés. C'est très bien payé, mais on n'a pas de repos. On doit être disponible non stop au service de la France.

A votre retour en France, où êtes-vous allé ?

Je suis revenu dans les Hauts-de-Seine où j'ai finalement été nommé brigadier, deux ou trois ans après avoir eu l'examen. J'ai découvert un nouveau métier en encadrant une compagnie de circulation. On traque les excès de vitesse avec les radars, mais aussi des véhicules volés, des stupéfiants. On a même arrêté des braqueurs ! Il y a avait un très bon esprit, un vrai travail d'équipe. Je rencontrais des centaines de personnes par jour, j'avais des interlocuteurs à la brigade criminelle, à la police technique, au garage… C'est un métier enrichissant.

Mais vous attendiez votre mutation dans votre région d'origine…

J'ai demandé ma mutation en 1987 et je l'ai obtenue en 2001, à la suite d'une importance arrestation de braqueurs pour laquelle nous avons été félicités. L'action du syndicat m'a peut-être aussi aidé. Je me suis syndiqué à l'UNSA en 1995. Dans la police, le syndicat est un soutien énorme, surtout quand on arrive de province et qu'on se sent seul à Paris. J'étais célibataire, mais j'avais « payé » en travaillant 70 heures par semaine dans les ambassades à l'étranger. J'étais ébranlé physiquement et j'avais besoin de me retrouver chez moi.

Quand avez-vous décidé de progresser davantage dans la hiérarchie policière ?

Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours cherché à faire des choses qui m'intéressaient vraiment (stages, formations, qualifications). Mais c'est avec l'acquisition de la qualification d'OPJ (officier de police judiciaire) en 2003 que je me suis rendu compte que j'avais des facultés et que c'était bête de ne pas les mettre en application. Cela a été le déclic.
En 2004 et 2005, j'ai décidé de passer les concours de lieutenant de police et de commissaire. Je me suis intéressé à la formation sur l'intranet. J'ai découvert qu'ils sélectionnaient des gens pour préparer les concours en étant détachés : 10 personnes avec une licence et 10 personnes sans licence, pour lesquels 6 mois de préparation supplémentaire étaient nécessaires, soit 18 mois au total. Je suis parti à Clermont-Ferrand d'octobre 2006 à février 2008 pour cette préparation, après avoir envoyé des lettres de motivation, passé des tests écrits et eu un entretien avec un jury. J'attends les résultats du concours

Qu'envisagez-vous pour l'avenir ?

A l'horizon 2010, la police et la gendarmerie vont fusionner, du point de vue de la formation et du recrutement. Cela m'intéresse beaucoup de suivre l'évolution des choses.