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octobre 2016

Concours Police - Témoignage de Commandant Paul M

paul«Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir toutes les couches de la population, tous les milieux et toutes les origines. Mais nous attendons surtout que la personne ait fait une démarche volontaire, qu'elle ait réfléchi à son projet dans la police.»

Quel est votre parcours dans la police ?

Je suis entré dans la police en 1976 comme gardien de la paix, puis j'ai obtenu le concours d'officier en 1982. Je suis commandant d'unité depuis dix ans. Comme je pense que les managers doivent savoir qui est recruté, j'ai décidé de participer au recrutement, notamment aux jurys d'oraux.

Comment se passe la sélection des candidats ?

Le barème est fixé en fonction du nombre de postes à pourvoir. Si on a besoin de 1000 personnes, on sélectionne les 1500 premiers après l'écrit pour qu'ils passent la deuxième phase - le sport, la langue et l'oral. Ensuite, il y a une troisième phase avec une visite médicale et une enquête de personnalité et de moralité. A Toulouse, nous avons 700 à 800 inscrits pour 30% retenus à la deuxième étape et 80 à 100 in fine.

L'écrit de sélection est-il une étape importante ?

Il y a une tradition écrite dans notre métier. Même s'il y a des procédures-types et des masques de saisie informatique, les policiers doivent raconter ce qui s'est passé et l'on ne peut pas leur réapprendre à écrire à l'école. Quand on corrige les dissertations du concours, on essaye de voir si le candidat structure bien son écrit, arrive à faire des phrases, un plan avec des idées. Or sur 50 copies que je corrige, il n'y en a que 15 environ au-dessus de la moyenne…

Comment est constitué le jury d'oral ?

Il est composé de quatre personnes : un membre du corps de commandement (commandant, capitaine ou lieutenant), un brigadier-chef ou major, un attaché de police (administratif) et un psychologue de la police nationale. Le président est issu du corps de conception (commissaire de police ou commandant faisant office).
Le psychologue présente le candidat aux membres du jury par rapport à ses tests psychotechniques : son profil, l'orientation de son caractère, sa personnalité, la tendance sur laquelle on va travailler par questions et recoupements pour déceler un problème éventuel (psycho-rigidité, paranoïa, mégalomanie…).

Comment se déroule l'entretien avec le candidat ?

L'entretien dure vingt minutes. Le jury se présente puis demande au candidat de présenter son cursus. On reçoit des personnes de 18 à 30 ans, dont certains ont déjà eu une vie professionnelle, familiale. La motivation est très importante pour nous. On cherche à savoir pourquoi ils veulent entrer dans la police, par vocation ou parce qu'ils ont besoin d'un boulot. Ce n'est pas un métier facile, qui réclame certaines valeurs et prédispositions, donc une motivation très importante.
Dans un jury, on peut détecter quelqu'un qui n'est pas du tout fait pour ce métier. Dans ce cas, il suffit de lui mettre une note en dessous de 5 pour l'éliminer. Cet entretien est peut-être un peu décourageant pour certains, mais il permet de recibler les attentes de l'administration et des candidats. On peut orienter ceux qui ne sont pas encore au niveau vers le concours d'ADS.

Demandez-vous aux candidats une idée claire du métier de policier ?

Les administratifs des SGAP (secrétariats généraux pour l'administration de la police) où ils retirent leurs dossiers leur donnent souvent des pistes pour préparer le concours. Nous leur demandons donc s'ils se sont renseignés sur ce métier, notamment lors de forums des métiers ou des salons étudiants. Le plus intéressant est qu'ils aient contacté des commissariats, où ils sont en général bien accueillis. Il y a toujours une cellule de formation dans les commissariats qui permet la mise en relation du candidat avec un jeune policier.
Les candidats ont souvent une vision tronquée du métier à travers les films. Il faut démystifier !

Pourquoi est-il nécessaire de démystifier ?

Aujourd'hui, la grande mode, c'est les experts, la police scientifique. Mais au départ, tous doivent passer par la police en tenue, faire de l'ordre public, porter assistance aux personnes. A l'école et à l'entrée dans le métier, on met une tenue, on porte une arme. Il faut véhiculer cette image dans tous les quartiers, dans n'importe quelle condition. Ce n'est pas toujours évident pour les personnes qui viennent de milieux où la police n'est pas bien vue.

Avez-vous un souci de diversité dans le recrutement des candidats ?

Nous n'avons pas tant un souci de diversité que de motivation. Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir toutes les couches de la population, tous les milieux et toutes les origines. Mais nous attendons surtout que la personne ait fait une démarche volontaire, qu'elle ait réfléchi à son projet dans la police.
La fonction d'adjoint de sécurité est un moyen d'entrer dans la police sans le bac. Cela nous permet de voir comment la personne va s'épanouir dans la police nationale. Nous recherchons des gens qui aient une ouverture d'esprit sur les problèmes de la société, une empathie, une envie d'aider les autres et pas seulement d'appliquer la loi par la répression. Cette motivation, ce petit quelque chose en plus, est difficile à repérer. On regarde par exemple si le candidat s'est inscrit dans une association sportive, s'il a pris des responsabilités en montant un projet…

Pourquoi recherchez-vous ce profil d'ouverture d'esprit et d'autonomie ?

La police évolue avec la société. On ne supervise pas les gens en permanence. Dans une équipe de deux ou trois policiers dans la rue, chacun doit être autonome, capable d'initiative. On a besoin de gens structurés psychologiquement et physiquement, capables d'apporter des réponses par rapport à des schémas qu'on leur a inculqués à l'école. Obéir ne suffit pas. On a besoin de gens affirmés, qui ont leur caractère mais qui respectent aussi les ordres et la hiérarchie à qui ils doivent rendre compte.

De plus en plus de candidats ont un niveau d'études élevé. Cela pose-t-il des problèmes ?

Oui. Certains arrivent avec un niveau maîtrise et ils auraient pu passer le concoursde commissaire. J'ai même eu un chef d'entreprise ! On se dit qu'ils sont en décalage par rapport au métier et qu'ils auront du mal à se fondre dans cette vie en collectivité.

Les femmes sont-elles nombreuses à se présenter au concours ?

Oui, 30 à 40% en moyenne, aussi bien aux concours d'ADS et gardien, qu'officier et commissaire. Le barème des tests sportifs (parcours police et test Luc Léger de vitesse et de rythme) a été remonté pour les filles car on avait tendance à avoir des filles pas assez grandes.
On a souvent des problèmes avec les femmes qui sont déjà mères de famille car elles doivent avoir intégrer l'obligation de mobilité. Il faut savoir que 98% des reçus vont partir en région parisienne, à part peut-être les tous premiers de l'école. Pour les femmes, il est préférable qu'elles soient célibataires ou qu'elles aient fait un choix conscient.