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octobre 2016

Concours Police - Témoignage de Sébastien

seb«Gardien de la paix est un métier où on peut faire ce qu'on veut. On passe tous par la sécurité publique en commissariat, et très rapidement, si on sait se faire remarquer, on peut passer dans d'autres services, se spécialiser.»

Comment avez-vous décidé de travailler dans la police ?

Ma mère et mon beau-père sont fonctionnaires de police. Au moment de choisir un métier, je m'étais dit que je ne serais jamais policier, à cause de l'image de marque. Quand, à un dîner, on ne vous parle que de contraventions et de bavures pendant trois heures, vous vous dites que vous n'êtes bien qu'entre policiers. Je ne voulais pas ça.
Après mon école de commerce, j'ai travaillé cinq ans comme steward à bord du TGV Atlantique. Un job d'été qui s'est transformé en métier. Entre-temps, j'ai fait mon service militaire comme officier en régiment d'infanterie. Je me suis rendu compte qu'être au service des autres autrement que par une relation commerciale était gratifiant. Cela a révélé mon goût pour la police, qui me permet de savoir tout de suite que je suis utile.

Comment avez-vous préparé le concours ?

J'ai acheté des livres. Lorsque j'ai passé le concours de gardien de la paix de la police nationale, en 1996, il venait d'être réformé. Les épreuves sont passées d'une dictée, une rédaction et des exercices de maths à une dissertation de culture générale, un QCM d'histoire contemporaine et de relations internationales, une épreuve de langue à l'oral. Le bac n'était pas encore obligatoire mais fortement conseillé.
J'ai préparé simultanément le concours de gardien de la paix et de lieutenant de police (officier). J'ai suivi une préparation assurée par la DRRF (direction régionale du recrutement et de la formation) d'Ile-de-France, dépendant de la DFPN (direction de la formation de la police nationale), de décembre 1995 à juin 1996 à raison de trois soirs par semaine. Les cours portaient sur la culture générale, la méthodologie de la dissertation, les relations internationales et l'histoire contemporaine. C'était vraiment passionnant, avec des intervenants de valeur. La DRRF mettait aussi à disposition des candidats au concours un stade de la Préfecture de police à Pantin avec des moniteurs de sport deux fois par semaine pour les entraîner.

Comment s'est passé le concours ?

J'ai passé l'écrit d'admissibilité en mars 96 et l'oral d'admission en juin. L'oral comportait une épreuve de langue de niveau bac (au choix) et du sport : une épreuve de vitesse, un test Cooper qui consiste à courir pendant 12 minutes et un sport au choix, j'ai choisi le grimper de corde. J'ai réussi à limiter la casse en ayant juste la moyenne, même si je ne suis pas du tout sportif. C'est dommage d'échouer pour le sport, surtout quand on voit ce qu'on en fait en fonction… Depuis que je suis en service, je n'ai plus jamais fait de sport, alors que les textes prévoient deux heures par semaine.

Comment s'est passé l'entretien avec le jury ?

J'en garde un très mauvais souvenir ! Il y avait un commissaire, un officier, un administratif et une psychologue. Ça s'est très mal passé ! Ils me reprochaient de passer le concours de gardien de la paix en étant officier de réserve, et de tenter en même temps le concours d'officier. Ils mettaient en doute le fait que j'accepterais d'être commandé. J'ai répondu à la commissaire qu'elle aussi était commandée ! La chef de service m'a mis un 5. Grâce à mes notes à l'écrit (16 en culture générale et 15 au QCM), j'ai quand même été bien classé. Par contre, j'ai raté deux fois le concours d'officier.

Une fois le concours réussi, vous êtes entrés à l'école…

J'ai été reçu au concours en juillet 1996, mais je n'ai commencé l'école qu'en septembre 1997. Heureusement, j'avais un travail en attendant. J'ai fait un an en internat à Périgueux.
La formation de gardien de la paix a été modifiée depuis. A l'époque, on commençait par quatre mois de formation générale, puis une alternance d'un mois de stage avec un ou deux mois d'école. Au bout de quatre mois de formation théorique, on a vraiment hâte de toucher le concret ! On faisait le matin des APP (activités professionnelles et physiques, des gestes techniques, de la self-défense, du tir) et l'après-midi de la formation générale. J'ai fait mes stages dans un commissariat d'Angoulême. Le premier stage comme observateur, le deuxième intégré en brigade de nuit, le troisième opérationnel, en sureté urbaine (en civil, à la police judiciaire locale).

Comment se passe l'attribution des postes à l'issue de la formation ?

A l'issue de la formation, on est classés nationalement, grâce aux examens répartis au cours de l'année. Ce classement est censé déterminer notre affectation. Tout le monde est réuni dans un grand amphi, comme dans le film « l'inspecteur La Bavure » de Claude Zidi. La liste des postes est projetée simultanément dans toutes les écoles, qui sont en liaison avec la DFPN (direction de la formation de la police nationale). Les gens sont appelés en fonction de leur classement et les postes sont rayés au fur et à mesure. En même temps que moi, 1200 à 1300 personnes d'une dizaine d'écoles ont choisi pendant une après-midi.

Certaines personnes « hors-classement » n'y prenne pas part. Par exemple, un candidat qui a une très bonne note en chinois mandarin au concours sera immédiatement débauché par la DST (Direction de la surveillance du territoire). Idem pour quelqu'un d'excellent en informatique et télécoms. En fin d'année, la DST vient se présenter et demander aux personnes ayant des spécialités de venir les voir. C'est ce qu'on appelle le hors-classement officiel. Il y a aussi le hors classement officieux, les postes réservés, si on connaît quelqu'un…

Comment avez-vous fait votre choix de poste ?

J'étais classé dans les centièmes sur 1200 ou 1300. Je m'étais renseigné auprès d'amis et du commissariat que je visais. Comme je voulais un service qui bouge, tout en ayant le temps d'apprendre, j'ai choisi le commissariat du Blanc-Mesnil dans le 93 (Seine-St-Denis), un quartier sensible mais pas autant que St-Denis ou Aubervilliers pour ce qui est de la délinquance. Là-bas, on est tellement on est pris dans l'événementiel qu'on n'a pas trop le temps d'apprendre.
Une de mes collègues de Castelnaudary a choisi au hasard le 4ème arrondissement de Paris. Sa première patrouille dans le Marais était comique ! Une autre a choisi Aulnay-sous-Bois car le nom sonnait joli à son oreille mais la réalité était très différente…

Quel conseil donneriez-vous à vos jeunes collègues pour le choix ?

Dès qu'on a la liste des postes, il ne faut pas hésiter à appeler le commissariat pour avoir des renseignements sur le type de délinquance, l'ambiance, si possible en se regroupant entre élèves.
La plupart des postes sont en région parisienne. En général, les gens choisissent leur affectation en fonction de la proximité géographique avec l'autoroute qui les ramène chez eux. Je crois que c'est une erreur et qu'il vaut mieux faire quelques kilomètres de plus mais être dans un service qui corresponde plus aux critères que vous recherchez. Certains veulent être dans des services qui bougent énormément, d'autres dans des plus calmes.
J'engage les jeunes collègues à choisir le 93 ou le 94 car les jeunes y sont responsabilisés très vite car on y est en sous-effectifs.

Comment avez-vous démarré dans le métier ?

J'ai commencé au commissariat du Blanc-Mesnil le 1er septembre 1998 et j'y suis resté jusqu'en 2005. La première semaine, tous les nouveaux du 93 sont regroupés pour être formés sur le département : on leur présente les autorités, on rassure les personnes qui viennent de province pour leur montrer que ce n'est pas le Bronx…
De septembre 1998 à janvier 1999, j'ai démarré en brigade de nuit. C'est de la police-secours, de la patrouille en tenue, à deux ou trois. On tourne toute la nuit et on fait des interventions, sur initiative ou sur réquisition, pour des différends familiaux et de voisinage, des agressions, des ivresses publiques, etc.
La ville compte 40 à 45 000 habitants. La BAC (brigade anticriminalité) est présente jusqu'à 3h du matin. Entre 3h et 6h, il pouvait arriver que deux stagiaires se retrouvent seuls. Il m'est arrivé d'être appelé à 5 heures du matin pour une rixe en sortie de boîte de nuit avec des individus équipés de fusil de chasse sous-marine.

Vous avez ensuite changé souvent d'affectation…

J'ai postulé pour une unité de traitement du judiciaire en temps réel (le « service de quart », effectué en tenue), qui traite du « petit » judiciaire où l'auteur a été interpellé, pour des outrages, rébellions, violences volontaires ou infraction à la législation sur les stupéfiants en petite quantité.
Ensuite, j'ai intégré la brigade de sureté urbaine (BSU) qui traite du judiciaire en général : escroqueries, vols, recel mais pas homicides. Du travail en civil, qui nécessite des investigations pas trop longues. Vous arrivez le matin sans savoir ce que vous allez faire de la journéee t à quelle heure vous allez finir…
J'ai quitté le commissariat du Blanc-Mesnil en 2005, à l'issue des événements de Clichy-sous-Bois (les émeutes qui ont embrasé la banlieue, ndlr), pour intégrer la sous-direction des missions de police à la Direction centrale de la Sécurité Publique, comme adjoint au chef de cellule des violences urbaines, en charge de l'analyse et de la prospective. Une direction installée en plein Paris, près de la place Beauvau. J'avais alors 1200 heures supplémentaires à écluser… En mai 2008, j'ai été muté à la Direction centrale de la PJ, à la sous-direction anti-terroriste, pour m'occuper du financement des réseaux terroristes.

Comment votre carrière a-t-elle évoluée ?

En 2002, au vu de mes résultats, mon chef de service m'a proposé de suivre une formation « bloc OPJ » pour devenir officier de police judiciaire. La formation a duré 14 semaines à l'école de police avec un examen écrit et oral. En 2002, j'ai aussi suivi un stage avec un psychologue sur comment améliorer le témoignage, raviver les souvenirs de la personne interrogée par des techniques de mise en confiance. De gardien de la paix, je suis passé brigadier de police et officier de police judiciaire en octobre 2004.
En 2003-2004, la réforme de la police a donné plus de responsabilités au corps d'encadrement et d'application. Du coup, passer le concours d'officier ne m'intéressait plus car cela signifiait un concours difficile, 18 mois d'école pour au final avoir des missions d'encadrement mais plus que des missions opérationnelles.

Avez-vous avez réussi à avoir de réelles responsabilités comme gardien de la paix ?

Oui. Avec la réforme, nous sommes passés d'un gardien de la paix « stupide », bon à verbaliser et à garder des portes, à un gardien de la paix responsable et plus autonome. Quand j'ai quitté le Blanc-Mesnil, j'étais responsable du commissariat. Avec un commissaire par département et un officier pour quatre commissariats, un brigadier OPJ comme moi peut gérer le judiciaire et l'administratif.

Votre parcours montre la diversité des missions possibles pour un gardien de la paix.

Gardien de la paix est un métier où on peut faire ce qu'on veut. On passe tous par la sécurité publique en commissariat, mais très rapidement, si on sait se faire remarquer, on peut passer dans d'autres services, se spécialiser. Une personne sportive ira plutôt en BAC (brigade anti-criminalité), une personne qui aime rédiger des procédures ira en DSU (sécurité urbaine). C'est très ouvert, à condition de ne pas hésiter à accepter les responsabilités, à prendre des initiatives. J'étais toujours volontaire pour faire des procédures et je ne regardais pas ma montre.